Les secrets pour réussir en tant qu'EdTech : Mon retour d'expérience après avoir lancé un produit à succès

Quand j'ai lancé Votil avec mon papa, je pensais naïvement que créer un bon logiciel de vote électronique suffirait.


Spoiler alert : J'avais tort. Enfin, presque.


La première année, une centaine d'écoles primaires ont adopté notre solution. La deuxième année : plus de 600 écoles. Aujourd'hui, Votil appartient à Édifice (éditeur des ENT One et Neo) et continue de grandir.


Alors oui, avoir un bon produit, c'est crucial. Mais dans le monde ultra-spécifique de l'EdTech, "bon" ne veut pas dire ce qu'on croit. Laissez-moi vous raconter ce que j'ai appris.

Règle n°1 : Connaître VRAIMENT votre client (indice : ce n'est pas l'élève)

Voici l'erreur classique de l'EdTech : se mettre dans la peau de l'élève.


"Les enfants vont adorer cette interface colorée avec des animations !"


Problème : Ce n'est pas l'élève qui décide. C'est Martine, 42 ans, enseignante en CE2, qui a déjà 847 choses à gérer avant 9h du matin.

L'exercice qui change tout

Créez votre Martine. Donnez-lui un nom, un âge, une classe. Générez même une image par IA pour visualiser à quoi elle ressemble. Affichez-la près de votre bureau.


Et maintenant, à chaque décision produit, posez-vous LA question : "Est-ce que ça plairait à Martine ?"


Pas à vous. Pas aux investisseurs. À Martine.

Répondre à un besoin ESSENTIEL

Votre produit doit résoudre l'un de ces trois problèmes :

  • Une frustration qui réveille l'enseignant la nuit
  • Un désir ardent (souvent lié à l'engagement des élèves)
  • Une tâche répétitive qu'il fait déjà... mais qu'il ne pense pas automatisable

⠀Pour Votil, c'était ce dernier point : les élections des représentants de parents d’élèves prenaient un temps fou au directeur d’école avec des papiers partout.


Mon avantage secret ? Mes parents enseignants qui m’ont rabâché leurs retours et idées tout au long du projet. Avoir quelqu'un du terrain, qui connaît parfaitement les besoins ET ceux de ses collègues, c'est une aide précieuse à ne pas prendre à la légère. Si vous le pouvez, associez-vous à un enseignant qui a toujours un classe.

Règle n°2 : L'expérience utilisateur, c'est la guerre contre les clics inutiles

Un enseignant n'a pas 15 minutes pour créer un compte, remplir 12 champs, et comprendre votre interface "intuitive".
Il a 3 minutes. Maximum.

Comment on a simplifié Votil

  • Pré-remplissage automatique via l'annuaire de l'Éducation nationale : on est capable avec un simple nom de ville de retrouver toutes les écoles et à partir d’une école de retrouver toutes ses coordonnées, son nombre de classes et bien d’autres informations, alors pourquoi les demander ? Réduisez le nombre de clics et de champs à remplir, c’est essentiel !
  • Guider les utilisateurs : notre interface est simple comme bonjour, il suffit de suivre les étapes en cliquant sur les boutons de la page d’accueil, pas besoin de trop réfléchir, aucune friction.
  • Le paiement (quand on facturait nous-mêmes) : un cauchemar bureaucratique qui m’a poussé à créer... Chorus Pay

Parce que soyons honnêtes : le paiement dans le secteur public, c'est un frein monumental. Trop de paperasse, trop d'attente, trop de tout.

De nos jours, presque tout est automatisable et modifiable. Alors pourquoi s'embêter ?

Règle n°3 : Itérer vite (mais intelligemment)

Après chaque utilisation de Votil, on demandait du feedback.

Email, téléphone, formulaire de contact — tout doit être facilement accessible.

Et voici le secret : Un utilisateur fier d'avoir apporté sa pierre à l'édifice devient automatiquement ambassadeur... et vous apporte 10 autres clients.

Le piège à éviter

Ne faites pas TOUT ce que les gens demandent. Cherchez les problèmes globaux derrière les demandes individuelles.
Exemple vécu :

  • Martine : "Je veux pouvoir exporter en PDF avec logo personnalisé"
  • Gilles : "J'aimerais imprimer les résultats avec en-tête de l'école"
  • Lucie: "Besoin d'un export Word avec charte graphique"

Problème réel : Ils veulent simplement un peu de personnalisation, donnez leur !

Gérer les clients mécontents

Quand vous avez quelqu'un d’énervé (ça arrivera), voici la formule magique :

  1. Appelez cette personne
  2. Écoutez VRAIMENT tout ce qu’elle a à vous dire
  3. Remerciez-la sincèrement : « Grâce à vous, on va développer telle fonctionnalité, changer telle couleur, mettre tel bouton… »
  4. Suivez : informez-la quand c'est fait

Résultat : 90% du temps, vous transformez un détracteur en client assidu et même en ambassadeur.

Règle n°4 : La convention Éducation nationale (et comment l'obtenir)

Être conventionné par l'Éducation nationale, c'est le Graal. Ça rassure les directeurs, ça facilite l'adoption, ça ouvre des portes.

Mon conseil d'or

N'échangez PAS uniquement par email avec les délégués à la protection des données.
Sérieusement. Les emails, ça part en vrille. On se comprend mal, les réponses prennent des semaines, et tout le monde finit frustré.
À la place :

  • Proposez une visio ou un rendez-vous téléphonique
  • Écoutez ce qu’ils veulent
  • Montrez votre bonne volonté ET votre mission
  • Nouez une relation de confiance

Ces personnes ne sont pas là pour vous bloquer. Elles protègent des données d'enfants, c'est normal qu'elles soient vigilantes. Montrez-leur que vous aussi, vous prenez ça au sérieux.

Le secret ultime : Avoir le meilleur produit possible

Pourquoi insister autant sur la qualité ?
Parce que l'EdTech, c'est un petit monde. Les enseignants se parlent. Beaucoup. En salle des profs, sur les forums, dans les groupes Facebook...
Un bon produit ? Ça se propage comme une traînée de poudre. Un mauvais ? Encore plus vite.

Après 600 écoles utilisatrices, je peux vous dire que notre meilleure pub, ça n'a jamais été nos campagnes marketing. C'était Sandrine qui en parlait à Julien, qui en parlait à sa collègue Marie, qui a convaincu toute sa commune.

Alors oui, réussir en EdTech, c'est possible. Même quand on a 21 ans et qu'on ne connaît rien à la paperasse administrative (coucou mes 400 factures à la main).

Mais ça demande d'écouter, d'itérer, et surtout... de ne jamais oublier Martine.

Vous êtes une EdTech ?

Félicitations c’est très courageux de vouloir des enseignants comme clients… Profitez de leurs connaissances extraordinaires pour leur demander des retours ! 😉